Eglises d'Asie, 23 février 2011 - Le Conseil national des Eglises (protestantes) de Corée du Sud (NCCK) a annoncé, lors d’une conférence de presse lundi 21 février, qu’il préparait la célébration conjointe de l’Independence Movement Day avec la Fédération chrétienne (protestante) de Corée du Nord (1). Bien que la Fédération chrétienne soit un organisme placé sous la dépendance du régime totalitaire de Pyongyang, cette commémoration qui aura lieu simultanément des deux côtés de la frontière représente une première dans les relations intercoréennes.
Pour la première fois depuis la scission des deux Corées, des célébrations simultanées auront lieu à Pyongyang et à Séoul, à l’occasion du Samil-jeol, anniversaire de la rébellion historique des Coréens contre l’occupant japonais le 1er mars 1919 (2). Ce soulèvement, manqué et brutalement réprimé dans le sang par les Japonais, se révélera un tournant décisif dans la lutte des Coréens pour leur indépendance, laquelle sera finalement acquise à l’issue de la Seconde guerre mondiale, en 1945.
En Corée du Sud, le 1er mars est célébré chaque année en grande pompe, en présence du président de la république qui prononce alors un discours officiel et assiste à une cérémonie au cours de laquelle est lue en public la déclaration d’indépendance des insurgés de 1919.
Ce « devoir de mémoire » d’un passé récent vécu en commun semble d’autant plus fédérateur pour les deux Corées, qui, après la guerre de 1950-1953, n’ont jamais signé de traité de paix, qu’il permet de raviver un fort sentiment d’identité nationale coréenne face au souvenir des atrocités de l’occupation japonaise encore très présente dans les esprits.
Le Rév. Kim Young-joo, secrétaire exécutif du NCCK, a confirmé que la [North’s] Korean Christian Federation avait donné son accord pour que toutes les églises des deux Corées organisent des célébrations de chaque côté de la frontière, au même moment, dans une démarche de communion inédite. En Corée du Nord, il n’y a officiellement que quatre lieux de culte chrétiens, tous édifiés à Pyongyang et strictement sous contrôle de l’Etat: une église catholique (qui fonctionne sans prêtre), deux temples protestants et une église orthodoxe édifiée récemment.
La date de ces commémorations simultanées a été fixée au dimanche précédant l’anniversaire du Soulèvement du 1er mars, soit le 27 février prochain. Il est également prévu que, durant les cérémonies, les Eglises feront une déclaration conjointe, condamnant la renaissance du nationalisme militaire japonais.
Le NCCK, fondé en 1924 sous l’occupation japonaise, a une longue tradition de lutte antimilitariste. Rassemblant huit Eglises protestantes et considéré comme promouvant une théologie libérale, le Conseil national des Eglises de Corée du Sud est particulièrement investi dans la défense des droits de l’homme et n’hésite pas à intervenir régulièrement sur la scène politique. « Le renouveau du militarisme au Japon est perceptible à travers les demandes d’amendements de l’article 9 de la Constitution du pays qui interdit tout acte belliqueux, le renforcement des Forces japonaises d’autodéfense (3), le culte rendu aux héros de guerre dans le sanctuaire de Yasukuni et les manuels scolaires travestissant la réalité historique (4) », déclarent ainsi les représentants du NCCK dans leur communiqué de presse du 21 février.
Le NCCK conclut sa déclaration en demandant au gouvernement japonais de reconnaître les crimes de guerre du passé, de maintenir la Constitution présente du Japon, de corriger les manuels d’histoire et de faire cesser la vénération officielle des héros de guerre à Yasukuni. La question, à forte charge symbolique et polémique du sanctuaire shinto de Yasukuni, est régulièrement évoquée par la Corée du Sud qui reproche à Tokyo de tolérer ce qu’elle considère comme une survivance inquiétante du nationalisme militaire japonais (5).
En outre, rappelle le Conseil des Eglises protestantes, le Japon se doit de verser des indemnités aux milliers de Coréens victimes des travaux forcés sous l’occupation japonaise (un terme qui regroupe le travail forcé, l’enrôlement d’office dans l’armée ou encore la prostitution des « femmes de réconfort » pour les soldats japonais) et doit cesser sa politique discriminatoire envers les Coréens vivant au Japon (soit quelque 625 000 Zainichi).
(1) Ucanews, 22 février 2011.
(2) A partir de Séoul et de Pyongyang où elle a éclaté le 1er mars 1919, la rébellion contre l’occupant, menée par des groupes d’étudiants et de religieux parmi lesquels se trouvent un grand nombre de chrétiens, gagne progressivement tout le pays, avant d’être violemment réprimée dans le sang par les forces japonaises. Selon les données disponibles, plus de 7 500 Coréens ont été tués au cours des trois premiers mois du Soulèvement du 1er mars et plus de 46 000 ont été faits prisonniers (dont une grande partie ont été torturés et exécutés).
(3) Les Forces japonaises d’autodéfense constituent de fait l’armée japonaise depuis sa défaite en 1945. L’article 9 de la Constitution d’après-guerre interdit au Japon d’avoir des comportements offensifs, mais lui permet d’avoir des troupes pour la défense du pays.
(4) Le 15 décembre 2006, la Diète japonaise a voté une réforme de la loi-cadre sur l’éducation – laquelle n’avait encore jamais été modifiée depuis sa promulgation en 1947 – rendant obligatoire l’enseignement de « l’amour pour la nation et le pays natal ». Mgr Takami, archevêque de Nagasaki, avait réagi immédiatement en prédisant qu’une telle réforme « transgressant la règle de non-intervention de l’Etat dans les affaires de l’éducation (…) en annonçait une autre, celle de la Constitution ».
(5) Yasukuni, haut-lieu du nationalisme nippon, est un sanctuaire shinto situé à Tokyo. Consacré à la mémoire des soldats morts au combat – y compris 14 criminels de guerre de la Seconde guerre mondiale –, il est fortement associé à l’idéologie militariste du Japon impérialiste. Sur la polémique créée par les visites à Yasukuni de personnages d’Etat et sur la position de l’Eglise catholique du Japon à ce sujet, voir EDA 336, 345, 389, 423, 428, 451, 452, 455, 465
(Source: Eglises d'Asie, 23 février 2011)
Pour la première fois depuis la scission des deux Corées, des célébrations simultanées auront lieu à Pyongyang et à Séoul, à l’occasion du Samil-jeol, anniversaire de la rébellion historique des Coréens contre l’occupant japonais le 1er mars 1919 (2). Ce soulèvement, manqué et brutalement réprimé dans le sang par les Japonais, se révélera un tournant décisif dans la lutte des Coréens pour leur indépendance, laquelle sera finalement acquise à l’issue de la Seconde guerre mondiale, en 1945.
En Corée du Sud, le 1er mars est célébré chaque année en grande pompe, en présence du président de la république qui prononce alors un discours officiel et assiste à une cérémonie au cours de laquelle est lue en public la déclaration d’indépendance des insurgés de 1919.
Ce « devoir de mémoire » d’un passé récent vécu en commun semble d’autant plus fédérateur pour les deux Corées, qui, après la guerre de 1950-1953, n’ont jamais signé de traité de paix, qu’il permet de raviver un fort sentiment d’identité nationale coréenne face au souvenir des atrocités de l’occupation japonaise encore très présente dans les esprits.
Le Rév. Kim Young-joo, secrétaire exécutif du NCCK, a confirmé que la [North’s] Korean Christian Federation avait donné son accord pour que toutes les églises des deux Corées organisent des célébrations de chaque côté de la frontière, au même moment, dans une démarche de communion inédite. En Corée du Nord, il n’y a officiellement que quatre lieux de culte chrétiens, tous édifiés à Pyongyang et strictement sous contrôle de l’Etat: une église catholique (qui fonctionne sans prêtre), deux temples protestants et une église orthodoxe édifiée récemment.
La date de ces commémorations simultanées a été fixée au dimanche précédant l’anniversaire du Soulèvement du 1er mars, soit le 27 février prochain. Il est également prévu que, durant les cérémonies, les Eglises feront une déclaration conjointe, condamnant la renaissance du nationalisme militaire japonais.
Le NCCK, fondé en 1924 sous l’occupation japonaise, a une longue tradition de lutte antimilitariste. Rassemblant huit Eglises protestantes et considéré comme promouvant une théologie libérale, le Conseil national des Eglises de Corée du Sud est particulièrement investi dans la défense des droits de l’homme et n’hésite pas à intervenir régulièrement sur la scène politique. « Le renouveau du militarisme au Japon est perceptible à travers les demandes d’amendements de l’article 9 de la Constitution du pays qui interdit tout acte belliqueux, le renforcement des Forces japonaises d’autodéfense (3), le culte rendu aux héros de guerre dans le sanctuaire de Yasukuni et les manuels scolaires travestissant la réalité historique (4) », déclarent ainsi les représentants du NCCK dans leur communiqué de presse du 21 février.
Le NCCK conclut sa déclaration en demandant au gouvernement japonais de reconnaître les crimes de guerre du passé, de maintenir la Constitution présente du Japon, de corriger les manuels d’histoire et de faire cesser la vénération officielle des héros de guerre à Yasukuni. La question, à forte charge symbolique et polémique du sanctuaire shinto de Yasukuni, est régulièrement évoquée par la Corée du Sud qui reproche à Tokyo de tolérer ce qu’elle considère comme une survivance inquiétante du nationalisme militaire japonais (5).
En outre, rappelle le Conseil des Eglises protestantes, le Japon se doit de verser des indemnités aux milliers de Coréens victimes des travaux forcés sous l’occupation japonaise (un terme qui regroupe le travail forcé, l’enrôlement d’office dans l’armée ou encore la prostitution des « femmes de réconfort » pour les soldats japonais) et doit cesser sa politique discriminatoire envers les Coréens vivant au Japon (soit quelque 625 000 Zainichi).
(1) Ucanews, 22 février 2011.
(2) A partir de Séoul et de Pyongyang où elle a éclaté le 1er mars 1919, la rébellion contre l’occupant, menée par des groupes d’étudiants et de religieux parmi lesquels se trouvent un grand nombre de chrétiens, gagne progressivement tout le pays, avant d’être violemment réprimée dans le sang par les forces japonaises. Selon les données disponibles, plus de 7 500 Coréens ont été tués au cours des trois premiers mois du Soulèvement du 1er mars et plus de 46 000 ont été faits prisonniers (dont une grande partie ont été torturés et exécutés).
(3) Les Forces japonaises d’autodéfense constituent de fait l’armée japonaise depuis sa défaite en 1945. L’article 9 de la Constitution d’après-guerre interdit au Japon d’avoir des comportements offensifs, mais lui permet d’avoir des troupes pour la défense du pays.
(4) Le 15 décembre 2006, la Diète japonaise a voté une réforme de la loi-cadre sur l’éducation – laquelle n’avait encore jamais été modifiée depuis sa promulgation en 1947 – rendant obligatoire l’enseignement de « l’amour pour la nation et le pays natal ». Mgr Takami, archevêque de Nagasaki, avait réagi immédiatement en prédisant qu’une telle réforme « transgressant la règle de non-intervention de l’Etat dans les affaires de l’éducation (…) en annonçait une autre, celle de la Constitution ».
(5) Yasukuni, haut-lieu du nationalisme nippon, est un sanctuaire shinto situé à Tokyo. Consacré à la mémoire des soldats morts au combat – y compris 14 criminels de guerre de la Seconde guerre mondiale –, il est fortement associé à l’idéologie militariste du Japon impérialiste. Sur la polémique créée par les visites à Yasukuni de personnages d’Etat et sur la position de l’Eglise catholique du Japon à ce sujet, voir EDA 336, 345, 389, 423, 428, 451, 452, 455, 465
(Source: Eglises d'Asie, 23 février 2011)