23/10/2018 -- Originaire de Dalat, au sud du Vietnam, Mgr Van Nhon a été l’archevêque de ce diocèse de 1994 à 2010. Puis il a succédé à Mgr Joseph Ngô Quang Kiet à Hanoï le 13 mai 2010. De 2007 à 2013, il a été le président de la conférence épiscopale du Vietnam. Il a été créé cardinal par le pape François le 14 février 2015. Aujourd’hui, son archidiocèse compte 320 000 catholiques sur une population de plus de 8,5 millions d’habitants, soit 3,7 % de fidèles. Rencontre.

Créé le 9 septembre 1659 par le pape Alexandre VII, le vicariat apostolique du Tonkin, administré par les Missions Étrangères de Paris jusqu’en 1950, est devenu l’archidiocèse de Hanoï en 1960. Après 1954, sa population fut en butte aux persécutions, l’évêque étant emprisonné, puis assigné à résidence et les congrégations dispersées, la plupart des prêtres étant interdits de ministère. Des centaines de milliers de catholiques ont alors fui vers le Sud, non communiste. Après les années 1960, un certain nombre de prêtres ont pu continuer à exercer. L’étau s’est desserré dans les années 1990. Sur une population de plus de 8,5 millions d’habitants, l’archidiocèse de Hanoï compte aujourd’hui 3,7 % de catholiques, soit 320 000 fidèles. 155 prêtres (dont 120 diocésains et 35 religieux) administrent 145 paroisses. Le diocèse compte également 452 religieuses et 54 religieux.

Comment se porte votre diocèse ?

Cardinal Van Nhon : Originaire du Sud, de Dalat, je ne suis à Hanoï que depuis huit ans. Je constate que ce diocèse cultive une foi fervente, fondée notamment sur nos quinze saints martyrs. Comme l’a écrit Tertullien, « le sang des martyrs est la semence des fidèles ». C’est particulièrement vrai ici. Nos paroisses ont conscience qu’elles sont issues de tels témoignages de foi. Comme presque tous les diocèses du Vietnam, nous avons beaucoup de vocations. La plupart sont nées dans les familles. Chaque famille espère toujours donner au moins une vocation à l’Église. C’est pour elles un signe de la bénédiction de Dieu.

Comment envisagez-vous l’avenir ?

Le contexte évolue, surtout dans les villes. Les familles sont de moins en moins nombreuses. Beaucoup de choses, notamment l’attrait d’une vie matérielle facile, viennent distraire les jeunes d’une vocation possible.

Où en sont vos relations avec les autorités ?

En général, nous constatons une plus grande ouverture, une meilleure connaissance mutuelle. Mais les difficultés persistent. Beaucoup de points fondamentaux ne sont pas résolus. Le projet de loi sur les religions, voté en 2018, ne manifeste pas encore de vrais changements dans la conduite des choses. À chaque instant, nous courons le risque d’enfreindre la loi. Tout dépend des lieux et des personnes. Nous vivons toujours un peu sous la menace. Notamment dans le domaine de l’immobilier. Certains diocèses vietnamiens ont perdu plus de la moitié de leurs propriétés, jusqu’à 80 %. Dire que nous luttons contre le communisme n’est pas le bon terme. Car cela signifierait que nous serions en guerre, que nous tenterions de renverser le régime. Ce n’est pas le cas. Nous tentons simplement de le supporter. Après 40 ans de communisme, nous voulons simplement mettre en action la charité du Christ. Notre action n’est pas idéologique. Nous ne faisons pas de politique.

Dans quels domaines souhaitez-vous voir l’Eglise se développer ?

En matière d’éducation, le gouvernement doit être conscient qu’à lui seul, il ne peut pas assurer une bonne qualité d’éducation dans les écoles. Nous avons, parmi les catholiques, des gens préparés avec le cœur, qui ne sont pas motivés par l’appât de l’argent. Cette ouverture peut et doit arriver. L’enseignement est l’un des atouts possibles de notre Église.

Les autorités se sont longtemps méfiées des catholiques, accusés d’être des agents de l’étranger. Est-ce toujours le cas ?

Accuser le catholicisme d’être une religion de l’étranger a longtemps été un prétexte pour une politique antireligieuse. Car historiquement, le colonialisme est venu au Vietnam bien après le catholicisme. Au XIXe siècle, les martyrs ont été exécutés non pas en raison de leurs liens avec l’étranger, mais parce que leur foi remettait en cause le système impérial et mandarinal.

Comment expliquez-vous l’enracinement profond des catholiques du Vietnam dans leur foi, en dépit de toutes les épreuves qu’ils ont traversé ?

Au Vietnam, la culture familiale est fondamentale. Ces choses nous viennent du cœur, enracinées dans la tradition : le respect à l’égard des parents, des supérieurs, de l’Église, de Dieu. Aujourd’hui, alors que les familles s’affaiblissent, nous constatons un risque de moins respecter cet ordre des choses.

Quels sont vos points d’attention pour l’avenir de votre Église ?

Nous voyons bien que ce qui se passe dans les autres pays arrivera tôt ou tard chez nous. La sécularisation apparaît nettement. Nous devons nous y préparer. Il nous faut travailler l’intériorité de la foi, cultiver le service des pauvres, lutter contre le cléricalisme. Alors que les attraits d’une bonne vie matérielle touchent les jeunes, l’entrée au séminaire pour une vie donnée à Dieu n’est plus évidente. Le prêtre sera de moins en moins le seul point de référence pour la foi et pour la morale. Par ailleurs, l’enjeu écologique est très important pour nous. Beaucoup de paroisses mènent des actions pour le ramassage et le recyclage des déchets. Si nous demandons la liberté pour venir davantage en aide aux pauvres, nous devons montrer l’exemple, nous mobiliser.

Quel est votre message à l’Église de France ?

Nous remercions de tout cœur l’Église de France et les MEP d’avoir, les premiers, apporté la Bonne Nouvelle dans notre pays. Nous gardons toujours cette bonne relation avec l’Église de France. Plus de la moitié de nos jeunes évêques ont fait leurs études en France, notamment à l’Institut catholique de Paris, reçus par les MEP. Nous tâchons de consolider ce que les missionnaires sont venus semer au Vietnam. Nous prions pour que l’Église de France, autrefois fille aînée de l’Église, puisse être digne de cette appellation.

Attendez-vous une visite du pape au Vietnam?

Nous sommes toujours dans l’espérance d’une visite du pape François. Mais cela nécessite une longue préparation.

(Eglises d'Asie - le 24/10/2018, EDA / Frédéric Mounier)